Kénizé MOURAD
BIOGRAPHIE :
Princesse turque-ottomane née à Paris, de père indien et de mère turque.
Ella a étudié la psychologie et la sociologie à l'Université de Paris-Sorbonne.
Journaliste au "Nouvel Observateur" de 1970 à 1983, spécialiste du Moyen-Orient et du sous continent indien, Kénizé Mourad a couvert les guerres du Liban, les conflits israélo-palestinien, indo-pakistanais et du Bangladesh, la révolution iranienne.
Outre ses articles pour différents journaux (Match, Elle, Le Monde Diplomatique, le Journal de Genève et des émissions pour France Culture...), Kénizé Mourad est l'auteur de plusieurs ouvrages dont "De la part de la princesse morte", publié en avril 1987 et traduit en 23 langues et "Le jardin de Badalpour" publié en mai 98, traduit en une dizaine de langues.
BIBLIOGRAPHIE :
De la part de la princesse morte, évoque la fin de l'empire Ottoman, et le Moyen Orient entre les deux guerres mondiales. Traduit en 23 langues il s'est vendu à plusieurs millions d'exemplaires.
Le jardin de Badalpour, traite des problèmes d''identité entre Orient et Occident.
Living in Istanbul de Jerome Darblay(Photographies), Kenize Mourad(Inconnu)- Flammarion (1993)
Fiche :
Auteur Kenizé Mourad
Editions originales : Robert Laffond 1987
Nombre de pages 854 pages
Résumé :
C'est une histoire authentique qui commence en 1918 à la cour du dernier sultan de l'Empire ottoman. Selma a sept ans quand elle voit s'écrouler cet empire. Condamnée à l'exil, la famille impériale s'installe au Liban. Selma, qui a perdu à la fois son pays et son père, y sera " la princesse aux bas reprisés ". C'est à Beyrouth qu'elle grandira et rencontrera son premier amour, un jeune chef druze ; amour tôt brisé.
Selma acceptera alors d'épouser un raja indien qu'elle n'a jamais vu. Aux Indes, elle vivra les fastes des maharajas, les derniers jours de l'Empire britannique et la lutte pour l'indépendance. Mais là, comme au Liban, elle reste " l'étrangère " et elle finira par s'enfuir à Paris où elle trouvera enfin le véritable amour. La guerre l'en séparera et elle mourra dans la misère, à vingt-neuf ans, après avoir donné naissance à une fille : l'auteur de ce récit.
"Il m'a fallu quatre ans pour écrire ce livre. C'est le fruit d'une recherche minutieuse, aussi bien historique que personnelle et psychologique. Je voulais faire revivre Selma, ma mère, morte si jeune, alors qu'elle rêvait de changer le monde. La faire revivre pour elle, par ce livre qui est une lettre d'amour que je lui adresse. Mon ambition, mon vœu le plus cher c'est de la rendre éternelle. (…) Pendant quatre ans, je me suis mise en correspondance avec Selma, une correspondance qui confine à la symbiose. Par un phénomène de quasi-médiumnité, j'ai retrouvé, deviné ce qu'elle avait dû vivre, penser, ressentir. Et je n'ai pas été étonnée, une fois mon livre paru, de recevoir des lettres de personnes qui l'avaient bien connue, et me confirmaient ce que j'avais écrit de façon presque intuitive. Encore un mot. Je veux dire que par-delà l'histoire de ma mère, il y a un autre aspect de ce livre, à mon avis tout aussi essentiel. C'est la reconstitution historique d'époques al connues, comme la fin de l'empire ottoman, le début du mandat français au Liban, le mouvement qui, aux Indes, a conduit à la naissance du Pakistan." Kénizé Mourad
Extrait :
Selma a sauté de voiture, elle court dans le sentier au milieu des herbes hautes et des buissons de genêts, la tête renversée vers le ciel, les bras ouverts comme pour embrasser toute cette splendeur, l'absorber, la faire sienne, elle court, elle ne veut plus s'arrêter. Elle entend dans le lointain Orhan qui l'appelle, mais elle ne se retournera pas, elle veut être seule avec cette nature qui la rend à elle-même, lui est plus familière que l'amie la plus chère, cette nature à laquelle elle s'abandonne sans crainte d'être abandonnée, et que par tous ses pores elle sent entrer en elle, lui redonner force, intensité.
Elle s'est jetée dans l'herbe, avidement elle en respire l'odeur humide, la tête lui tourne ; dans ses jambes, dans son ventre montent les vibrations chaudes de la terre, elle a l'impression de s'y fondre. Elle n'est plus Selma, elle est bien davantage, elle est ce brin d'herbe, et ces feuilles, et cette branche qui s'étire pour atteindre un nuage, elle est cet arbre qui plonge ses racines jusque dans l'antre obscur et mystérieux de sa naissance, elle est le bruissement de la source et son eau transparente qui fuit et toujours reste là ; elle est la caresse du soleil et le tournoiement du vent, elle n'est plus Selma, elle est, tout simplement.
Sur le chemin du retour, la jeune fille ne dira pas un mot. Elle tente de protéger sa joie, flamme fragile. La croyant triste, Orhan s'ingénie à la distraire, lui raconte mille histoires qu'elle n'entend pas. Elle aimerait qu'il se taise… Mais comment lui expliquer que le silence peut-être le plus chaleureux des compagnons, le plus attentif, le plus généreux et que dans le mot "solitude" elle, elle voit "soleil".
Par la suite, lorsque Selma évoquera cette période de son adolescence, elle se dira que c'est ce lien profond avec la nature qui l'a protégée du désespoir, l'a rendue à elle-même. Sans ses longues échappées dans cet univers magique elle n'aurait pas supporté la séparation d'avec tout ce qu'elle aimait, et sans doute n'aurait-elle pu résister à la mélancolie lancinante qui insensiblement envahissait la demeure de la rue Roustem-Pacha. (Pages 251-252 Editions France-Loisirs)
samontha