Psychologie Du Peuple Algérien
La culture et la personnalité sont des spécialités qui suscitent l’intérêt de nombreux chercheurs spécialistes de l’anthropologie culturelle. Une branche lui a été spécialement consacrée à savoir l’anthropologie psychologique.
C’est sur ce thème que s'est penché le Dr Ahmed Ben Naâmane dans son ouvrage de volume moyen de 202 pages, et dans lequel il tente de montrer les caractéristiques et les spécificités de la psy¬chologie du peuple algérien.
La première partie de l'ouvrage, qui en comporte 2, est un aperçu anthropologique où est définie l'anthropo¬logie, la relation de la culture avec la personnalité, ainsi que ses origines.
La seconde partie est consacrée à la personnalité nationaliste du peuple algérien, ses limites culturelles, les adages populaires et enfin les principaux traits de la personnalité nationaliste du peuple algérien.
Définition de l'anthropologie:
Le Dr Ahmed Ben Naârnane voit dans l'anthropolo¬gie un concept scientifique composé de deux mots d'ori¬gine grecque: anthropos signifie Homme et Logos qui veut dire science. En traduction intégrale ce mot compo¬sé signifie science de l'homme.
Toutefois, selon l'auteur, les définitions de l'anthro¬pologie sont aussi nombreuses qui leurs auteurs. Certains définissent l'anthropologie comme étant la science de l'homme, ses actes et son comportement. Pour d'autres, c'est la science des collectivités humaines dans leur pro¬duction, ou alors la science des civilisations et des socié¬tés humaines.
Nonobstant les différences littérales de ces défini¬tions, l'anthropologie est une science qui recherche les différents aspects de la vie de l'individu ainsi que la relation de ceux-ci avec la nature et l'homme.
L'anthropologie, dans son sens général, s'est divisée en plusieurs spécialités scientifiques consacrées à l'étude de l'homme que l'auteur a cerné en deux catégories principales.
- L'anthropologie physique: Elle étudie l'homme organique, sa création, son évolution à travers les âges jusqu'à acquérir les caractères actuels.
- L'anthropologie culturelle: Cette branche s'intéresse aux différentes cultures de l'homme à travers les âges. Etant donnés les divers thèmes relevant de la culture, l'auteur a divisé cette science en plusieurs branches;
- L'ethnologie: étudie les caractères linguistiques, culturels et raciaux des peuples.
- L'ethnographie: étudie une seule culture comme étude signalétique.
-L'anthropologie sociale: là, l'auteur rapporte les définitions de certains scientifiques et professeurs dont celle du docteur Redcliff Brawn: l'étude de la nature de la société humaine est une étude méthodologique ordonnée se basant sur la comparaison des différentes formes de sociétés hummaines en insistant sur les premières formes de la société primitive.
- L'archéologie s'intéresse au passé de l’être humain et suit les étapes de sa culture à travers les époques.
- La linguistique: cette science est l'une des branches principales et importantes de l'anthropologie culturelle puisque ta langue est un des éléments indispensables, de la culture.
- L'anthropologie psychologique: étudie la relation entre culture et personnalité.
Relation entre culture et personnalité:
La relation entre culture et personnalité est, selon l'auteur, sûre et puissante. C'est une relation de complémentarité basée sur l'influence et l'émotion. Le degré d'influen¬ce de l'une sur l'autre est divers.
L'auteur cerne l'influence de la culture sur la personnalité en quatre points classés par ordre d'importance:
- éducation- enseignement- changement culturel- choc culturel.
L'influence de la personnalité sur la cul¬ture se manifeste dans les cas suivants:
- tendance naturelle de l'être humain vers une vie meilleure. Ceci le pousse à tou¬jours rechercher et aspirer à cet objectif en inventant des moyens matériels et technolo¬giques ou des théories politiques, sociales et économiques émanant de personnes douées tels que les phylosophes, les savants et les penseurs.
- conflits de renaissance et mouvements de modernisation tels que le déclenchement de certaines révolutions qui ont entraîné un changement radical dans les systèmes cultu¬rels en vigueur.
Origine de la culture et de la personnali¬té:
L'auteur entame ce châpitre avec l'origi¬ne de la branche culture et personnalité et son émergence en tant que branche autono¬me.
Les premiers essais, dans cette science, sont te produit de certains écrivains euro¬péens: « Montesquieu» dans son ouvrage «l'esprit des lois» et «De Tocqueville» auteur de «l'Ancien Régime et la Révolution» et «De la démocratie en Amérique».
Ces deux savants ont manifesté leur inté¬rêt aux différences existantes dans les carac¬tères et les traits de nationalisme dans les sociétés et chez les peuples.
Dans son ouvrage «modèles de culture» Ruth Benedict est selon lui le premier savant à faire une étude scientifique spécia¬lisée dans laquelle elle expose clairement le thème de l'anthropologie psychologique et la méthode scientifique à adapter dans l'étu¬de de la relation entre culture et personnalité
L'anthropologue américaine Margaret Mead vient en second faire de sérieux pas dans cette branche scientifique.
L'auteur aborde ensuite la place qu'occupe actuellement cette science nouvelle dans les études anthropologiques et les assises solides qu'elle s'assure dans les méthodes de recherches et les avantages scientifiques et matériels qu'elle procure pour les études sur la culture et la personnalité.
Ce qui caractérise cette branche scienti¬fique est la disponibilité d'une multitude de méthodes et de procédés scientifiques, puisque le thème allie psychologie et anthropologie.
Les procédés les plus communément adoptés pour l'étude de la culture et de la personnalité sont:
- méthode d'observation du comportement
- étude du cours de la vie
- interprétation des rêves
- examens par déduction
- étude de la littérature populaire.
Dans le dernier chapitre de la première partie, l'auteur expose les différentes conceptions des savants sur la notion de personnalité et met en évidence les nombreuses thèses qui témoignent des différents pôles de cette science.
1 - Théorie de la constitution de base de la personnalité
Selon les partisans de cette théorie, les membres de la société possédant la même culture participent à l'élaboration des signes distinctifs de la personnalité qui se généraliseront à tous les membres d'une même société. Cette théorie donnera une importance particulière aux éléments de base de la personnalité selon des modes culturels précis pour l'éducation des enfants des leur premier âge.
La construction de base de la personnalité est selon lui «la constitution de la personnalité à laquelle participent tous les membres de la société grâce à leurs expériences acquises ensemble.
2- Théorie de la personnalité représentative
Le concept de la personnalité représentative se fonde sur une base statistique quantitative se référant à la fréquence des signes distinctifs de la personnalité des individus l'une même société, indépendamment des systèmes et des modèles culturels à l'origine de ces traits, et abstraction faite du premier âge ou des étapes suivantes de la vie de l’individu dans lesquelles survient cette influen¬ce.
La différence entre ces deux théories est que la constitution des fondements de la per¬sonnalité résulte de l'observation et de la comparaison entre les différents modes cul¬turels et leur relation avec les phases de développement de l'individu. La personnalité représentative résulte, quant à elle, de la moyenne de fréquence des traits obtenue par les différents examens par déduction. Selon l'auteur, la complémentarité entre les deux théories existe et est indispensable tant que la première se hase sur l'aspect qualitatif et la seconde sur l'aspect quantitatif d'un même phénomène.
3- Théorie de la personnalité nationaliste
Pour le thème «étude de la personnalité nationaliste», l'auteur cite «Mustapha Souif». Cette étude englobe les traits de per¬sonnalité les plus répandus dans toute socié¬té pour présenter une image adaptée de ces traits. Par cette description, le chercheur ten¬tera d'élucider l'origine de ces traits où de faire une étude comparative de la personnali¬té nationaliste dans de nombreuses sociétés».
Cette théorie se base sur l'étude des spé¬cificités des personnalités des grandes nations dont les systèmes culturels sont com¬plexes et divergents entre l'urbain et le rural et entre la société traditionnelle agraire et la société industrielle, contrairement à la théo¬rie de constitution de base de la personnalité qui se limite à l'étude de petites communau¬tés restreintes dont les modes culturels sont relativement semblables.
* les adages populaires.
Définition, fonction et moyen d'étude
Au début de ce chapitre, l'auteur parle de la différence entre le proverbe et la maxi¬me. Après avoir mentionné les citations de nombreux savants à ce propos, il déduit que la maxime est une expérience individuelle représentant davantage son auteur que le groupe et reste intacte au fil des âges.
Le proverbe est quant à lui, d'origine individuelle cité dans un contexte précis, son écho est parvenu au groupe qui l'arrangea, l'adapta puis l'adopta dans son terroir social pour être repris de génération en génération.
Le proverbe veut énoncer en même temps une thèse et son contraire au sein d'un même groupe. Car les deux idées ont été émises à deux époques et à deux endroits différents ; chacune d'elles a eu son écho dans une couche sociale précise, que le ter¬roir populaire de cette société adopta à travers l'histoire.
L'auteur définit ensuite l'adage populai¬re et ses spécificités et mentionne à cet effet les définitions de quelques savants:
Selon l'Allemand Friedrich Zeyler, le proverbe est une expression usitée par des gens. Elle est complète et véhicule un ensei¬gnement sous une forme plus esthétique qu'un langage courant.
Pour le savant anglo-saxon Archer Tayloor, le «proverbe est une phrase arran¬gée, de construction précise, répandue dans les discussions puisque considérée comme parole sage. C'est un excellent langage qui enseigne de manière traditionnelle»
Quant au savant «Sokolov», le proverbe est une petite phrase dont les métaphores sont courantes dans le langage quotidien. Son style est agréable et ses syllabes sont empreintes d'un certain rythme musical.
L'auteur termine en parlant de la vision d'anciens savants arabes pour qui le prover¬be est un genre littéraire caractérisé par la concision des mots, la beauté du sens. le charme de la comparaison et la qualité de l'écriture.
L'auteur rappelle que toutes ces défini¬tions divergent sur le sens exact, précis et global du proverbe. Chacun insiste sur un de ses éléments: la forme, le contenu ou le rôle. C'est dans ce sens que le Dr Ahmed Ben Naâmane préfère donner la nouvelle défini¬tion du docteur Ahmed Morsi dans laquelle son auteur prend en considération les manques signalés dans les précédentes défi¬nitions et qui est le résultai de nombreuses comparaisons. «Le proverbe est une expres¬sion brève résumant un événement ou une expérience passée, la position de l'individu face à cet événement ou à cette expérience dans un langage impersonnel. C'est une expression populaire qui prend l'aspect d'une maxime basée sur l'expérience ou la connaissance commune.
Le Dr Ben Naâmane cite ensuite les caractéristiques du proverbe à partir de l'ex¬périence scientifique du Dr, Nabila Ibrahim qui cerne les éléments du proverbe en 4 :
- le proverbe à caractère populaire
- le proverbe à caractère éducatif
- proverbe sous forme littéraire com¬plète
- le proverbe s'élève au dessus du langage familier maigre sa circulation au niveau du peuple.
L'auteur termine ce chapitre en signalant la place considérable des adages populaires dans la société algérienne du fait de la faci¬lité de circulation de ces proverbes et de la simplicité de leur contenu.
Ces proverbes sont à la portée du com¬mun des gens et dont usent, dans leur vie active, les intellectuels pour appuyer leurs dires.
La société algérienne est partie intégrante de la société arabe
La société algérienne, avec ses fondements culturels, civilisationnels et historiques, est une partie intégrante de la grande société arabe. C'est à partir de là que l'auteur affirme qu'une société similaire à la société algérienne dans un pays arabe, mal¬gré les spécificités qualitatives restreintes particulières dues à certaines conditions et facteurs historiques et géopolitiques, néanmoins elle est l'élément d'une série complè¬te liée par l'histoire, la religion et la langue.
L'auteur aborde ensuite la question de la conquête de l'Algérie et la facilité que les conquérants ont rencontré avec les autoch¬tones qui ont accueilli et embrassé la nouvelle religion et la langue arabe.
A travers l'histoire, les Amazighs n'ont jamais accepté l'étranger. Leurs violentes résistances et leurs incessantes révolutions, contre les invasions successives des différentes races, le prouvent.
L'auteur explique ensuite les raisons de cette facilité :
1- La perception rapide et la puissante foi des berbères des notions et préceptes de l'Islam qui prêchent l'égalité, la justice, la liberté et la fraternité.
2- Les conquérants musulmans représentaient dans le fait et dans la parole les enseignements de la nouvelle religion.
3- La fusion des nouveaux conquérants dans la société locale sans s'élever au dessus ou s'adonner à un quelconque favoritisme.
4- Similitude de tempérament et des coutumes des arabes et des berbères.
5- Selon l'Etat islamique de l'Orient, les autochtones se chargent de la gestion des affaires de leur pays.
6- Reconnaissance des Berbères aux arabes qui ont mis fin à la colonisation byzantine.
L'auteur contredit ainsi les thèses de ces orientalistes qui prétendent que la conquête islamique de l'Algérie est une colonisation arabe.
Les traits fondamentaux de la personnalité nationaliste de la société algérienne
Dans le dernier chapitre de cet ouvrage, l’auteur traite des différents adages populaires par le biais desquels il définit les principaux caractères de la personnalité de la société algérienne. Par l'analyse et l'observation l'auteur les a cerné comme suit:
1- la franchise
2- la clarté
3- la loyauté
4- l'attachement aux origines
5- le réalisme
6- la haine de la prétention et de l'ostentation
7- la conviction
8- la rapidité d'adaptation aux événe¬ments
9- la recherche de la perfection et des solutions radicales
10- la persévérance
11- le sérieux
12- l'esprit d'initiative
13- l'intérêt pour le fond des choses
14- le défi
15- le traitement d'égal à égal
16- la discrétion
17- le rejet du bavardage
18- la haine du parasitisme et de l'indiscrétion
19- la confiance en soi
20-la patience
21- le sens de l'honneur et la pudeur
22- le sentiment de responsabilité
23- faire des projets d'avenir
24- profiter des expériences passées
25- l'entraide pour les intérêts communs
26- la piété
27- l’amour de la justice et de l’égalité
28- l'amour de la science et de connaissance
29- la nervosité et l'irritabilité
En conclusion, le lecteur pourrait toujours se référer à cet ouvrage pour dissiper toute confusion sur les concepts utilisés en culture et sur les traits de caractère de la personnalité nationale.
Chtata. A
Trad: Z.G
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